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Douleur

Publié le 18 mar 2024Lecture 5 min

Les gouttes difficiles à traiter : il n’y a pas de problème sans solution

Agnès LARA, Perpignan

À l’occasion d’une mise au point lors du congrès de la Société française de rhumatologie 2023, le Pr Frédéric Lioté (service de rhumatologie, groupe hospitalier Saint-Joseph, Paris) a évoqué les cas de goutte difficiles à prendre en charge en raison de comorbidités présentes chez la moitié des patients traités. Les attitudes thérapeutiques à adopter en cas d’insuffisance rénale et de pathologies cardio-métaboliques ont notamment été abordées.

En préambule, le Pr Frédéric Lioté a rappelé qu’environ la moitié des patients souffrant de goutte, vus en ville, sont hypertendus, ont une dyslipidémie et/ou présentent une insuffisance rénale de stade III à V. Une part non négligeable d’entre eux (environ 15 %) a un diabète et des maladies cardiovasculaires sont également présentes avec une moindre fréquence. Ces comorbidités sont autant de facteurs de gravité susceptibles d’augmenter la mortalité et rendent la prise en charge plus délicate.   Le traitement de la crise chez les insuffisants rénaux En cas de crise de goutte, les recommandations de la Société française de rhumatologie (SFR) déconseillent les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) chez les patients en insuffisance rénale de stade III à V, ou souffrant de maladies cardiovasculaires. La colchicine doit également être maniée avec prudence. Chez les sujets âgés ou en cas de maladie rénale chronique, il n’est pas possible d’utiliser les posologies habituelles (1 mg à l’apparition des symptômes, puis 0,5 mg une heure plus tard) pour casser l’inflammation au plus tôt. Une dose initiale de 0,5 mg renouvelée quelques heures plus tard est préférable. En cas d’insuffisance rénale, la prednisolone est à privilégier, à 30 à 35 mg/j dès les premiers signes. Elle est prescrite de J1 à J5, mais peut être stoppée dès la disparition des douleurs. Les inhibiteurs de l’IL-1ß constituent une alternative thérapeutique à la prednisolone chez les insuffisants rénaux, y compris dans les stades avancés. Ils sont initiés en milieu hospitalier et réservés aux cas de contre-indication, d’intolérance ou d’échec des AINS, de la colchicine et d’utilisation inappropriée des corticoïdes. Deux molécules sont disponibles en France : l’anakinra/Kineret® (seringues à 100 mg sc/j de J1 à J5) et le canakinumab/Ilaris® (1 injection sc 150 mg/3 mois).   Le traitement hypo-uricémiant selon la fonction rénale « Il doit être initié dès le diagnostic de goutte posé », a rappelé le Pr Lioté car plus d’un tiers des patients font une crise dans l’année qui suit. Selon les recommandations de la SFR, le choix du traitement dépend de la fonction rénale : En cas d’insuffisance rénale légère, voire débutante (DFGe > 60 mL/min/1,73 m2), le traitement hypo-uricémiant (THU) de première intention est l’allopurinol. Il doit être débuté à 50-100 mg/j et sa posologie augmentée par palier de 50 à 100 mg (en fonction de la fonction rénale initiale) toutes les 2 à 4 semaines, jusqu’à obtention de l’uricémie cible (50 mg/L ou 60 mg/L à défaut). Une augmentation progressive des doses permet de réduire le risque d’allergie à cette molécule. Une fois la cible atteinte, il s’agit de maintenir l’observance car elle permet de réduire la mortalité cardiovasculaire de façon significative. Lorsque le DFGe est compris entre 30 et 60 mL/min/1,73 m2 (stade III), la prescription d’allopurinol doit être prudente et le fébuxostat envisagé (80 mg 2 j par semaine durant 1 mois, puis 3 j/semaine, puis 80 mg 1 jour sur 2, puis 80 mg/j, puis 80 mg/120 mg en alternance…). Lorsque le DFGe < 30 mL/min/1,73 m2 (stade IV et V), l’allopurinol doit être évité et le fébuxostat privilégié (80 mg tous les 2 jours, puis augmenté par palier de 40 mg en coupant le comprimé en deux). Il n’y a aucune urgence à abaisser l’uricémie. En revanche, il est important d’augmenter les doses progressivement pour éviter les crises de goutte en début de traitement. Lorsque la fonction rénale le permet, un traitement prophylactique par colchicine doit être associé au THU durant les 6 premiers mois (0,5 mg/j font aussi bien qu’1 mg/j selon des études récentes). Les doses peuvent être espacées (0,5 mg/3 j) chez l’insuffisant rénal. Une alternative par prednisolone (ou anakinra dans le cadre du protocole ana4CKD) peut être proposée dès les premiers signes de crise.   Ce qui change en cas de comorbidités cardio-métaboliques Dans le traitement de la crise, les AINS sont contre-indiqués en cas d’insuffisance cardiaque, d’HTA instable, d’antécédents d’AVC ou d’infarctus du myocarde récent, ou encore en cas d’utilisation d’anticoagulants. En l’absence d’insuffisance rénale, les AINS les moins dangereux en termes cardiovasculaire sont l’ibuprofène et le naproxène. Les corticoïdes sont contre-indiqués en cas de diabète de type 2 instable, d’infection bactérienne active, d’insuffisance cardiaque, d’HTA instable, d’antécédents d’AVC, en encore en cas d’usage d’anticoagulants. Il faut alors utiliser les corticoïdes en injection intra-articulaire ou l’acétonide de triamcinolone en intramusculaire. De façon générale, l’anakinra est une alternative à considérer en cas de contre-indication, d’inefficacité ou d’effets indésirables du traitement standard, notamment en présence de complications liées au diabète. Le THU à privilégier en terrain cardio-métabolique reste l’allopurinol, remplacé par le fébuxostat en cas d’insuffisance rénale. Les doses peuvent être augmentées jusqu’à 900 mg/j pour l’allopurinol dans les formes très sévères (hors insuffisance rénale), et jusqu’à 240 mg pour le fébuxostat (hors AMM), en se rapprochant d’un centre hospitalier pour valider la prescription en toute sécurité. La titration peut être réalisée sur plusieurs mois (voire années) en augmentant les doses jusqu’à obtention de la cible. Des combothérapies peuvent être envisagée dans les formes sévères : fébuxostat/probénécide en l’absence d’insuffisance rénale, ou fébuxostat/benzbromarone si le DFGe est > 30mL/min/1,73 m2 (prescription initiale hospitalière).   En conclusion Les traitements de la goutte sont efficaces, y compris pour les formes plus complexes et avec comorbidités. Les cas de non répondeurs sont pour la plupart liés à un défaut d’observance. Il est donc nécessaire d’échanger avec le patient et de le convaincre de traiter au plus tôt, d’apprendre à s’auto-traiter, et d’être patient, la récupération osseuse sous THU pouvant prendre plusieurs mois ou années. Les patients présentant des pathologies cardio-métaboliques et rénales sont plus problématiques. Il faut alors adapter la stratégie thérapeutique au terrain et veiller aux interactions médicamenteuses... D’après la communication du Pr Frédéric Lioté, Service de rhumatologie, groupe hospitalier Saint-Joseph, Paris, dans le cadre du congrès de la Société française de rhumatologie (SFR), Palais des congrès, porte de Versailles, Paris, décembre 2023.

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