Publié le 18 juin 2025Lecture 3 min
Mastocytose systémique : quand l’ostéoporose révèle une maladie rare
Odile MOLY, Toulouse

L’atteinte osseuse, en particulier l’ostéoporose, est une complication fréquente de la mastocytose systémique, parfois révélatrice de la maladie. Ce contexte clinique atypique, notamment chez des patients jeunes ou sans facteur de risque évident, nécessite une approche diagnostique spécifique et une stratégie thérapeutique adaptée à la sévérité de l’atteinte osseuse.
La mastocytose systémique (SM) est une pathologie rare caractérisée par une accumulation clonale de mastocytes dans différents organes. L’atteinte osseuse, fréquente dans la forme indolente (ISM), peut se manifester par une ostéoporose précoce, des douleurs osseuses ou des fractures vertébrales multiples, parfois chez des patients jeunes et sans facteur de risque. Les mécanismes physiopathologiques en cause incluent une hyper résorption osseuse par activation des ostéoclastes, des anomalies de la minéralisation osseuse et des interactions locales entre mastocytes et cellules osseuses, médiées par la libération d’héparine, d’histamine, d’interleukines (IL-6, IL-1), de tryptase et plus récemment, de microARN. Ces processus favorisent un déséquilibre du remodelage osseux, expliquant la fréquence des fractures, en particulier vertébrales.
Un repérage diagnostique et une évaluation du risque fracturaire
Chez les patients présentant une ostéoporose atypique, en particulier chez l’homme jeune, une mastocytose systémique doit être envisagée. Des signes cliniques tels qu’un syndrome allergique, des lésions cutanées discrètes ou des douleurs osseuses diffuses doivent attirer l’attention. Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments biologiques (dosage de la tryptase sérique, recherche de la mutation KIT D816V), d’imagerie (DXA, scanner osseux, IRM si suspicion de mastocytose avancée) et sur l’examen clinique. Le score MastFx, proposé en 2014, permet une estimation du risque fracturaire dans l’ISM à partir de 5 critères simples (sexe masculin, CTX élevé, T-score bas, absence de lésions cutanées, consommation d’alcool).
Une prise en charge osseuse adaptée à la sévérité
En cas d’ostéoporose densitométrique (T-score ≤ -2,5 sans fracture), les biphosphonates par voie orale ou par voie intraveineuse (IV), constituent le traitement de première intention. Dans les formes sévères avec fractures vertébrales, le traitement de première intention repose sur une stratégie intensive la première année, comprenant des perfusions mensuelles de pamidronate IV, associées à une injection hebdomadaire de peginterféron alfa-2a, suivies d’un traitement d’entretien par pamidronate IV tous les 3 mois pendant une année supplémentaire. Cette stratégie, fondée sur l’expérience du centre expert CEREMAST (Centre expert des mastocytoses à Toulouse), a montré une amélioration significative de la densité minérale osseuse et une réduction du risque de nouvelles fractures. Le recours au dénosumab peut être envisagé en seconde intention, sous réserve d’une évaluation attentive du risque de rebond à l’arrêt. Les inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) ciblant la mutation KIT D816V, tels que l’avapritinib, le bezuclastinib ou l’elenestinib, font actuellement l’objet d’évaluations cliniques dans les formes indolentes ou non avancées de la maladie. Jusqu’à présent, les essais cliniques de ces molécules ne prenaient pas en compte l’atteinte osseuse. Les premières données suggèrent toutefois une amélioration de la densité minérale osseuse et des douleurs. La gestion de la douleur osseuse repose avant tout sur l’identification d’une étiologie associée, mais des antihistaminiques ou du cromoglicate peuvent être proposés.
En conclusion, l’ostéoporose et les douleurs osseuses constituent les principales manifestations squelettiques de la mastocytose systémique. Les biphosphonates demeurent la pierre angulaire de la prise en charge osseuse. Toutefois, les limites de cette stratégie, notamment dans les formes sévères, justifient l’exploration de traitements complémentaires. Le développement de nouvelles molécules ciblant les mastocytes ouvre des perspectives prometteuses, tant pour renforcer la prévention fracturaire que pour améliorer la prise en charge de la douleur, encore difficile à maîtriser.
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